Seulement 122 députés donnent un blanc-seing au(x) gouvernement(s) jusqu'au 31 juillet 2022
Nous vous informons que les améliorations du projet de loi “vigilance sanitaire” qui avaient été apportées par le Sénat (limite de la reconduction au 28 février, suppression du pass pour la pratique du sport par les mineurs, ainsi que pour les majeurs pour les activités de loisirs en extérieur, etc.) ont été annihilées ce jour par 122 députés à l'Assemblée Nationale, laquelle a le dernier mot par rapport au Sénat.
Cela signifie a priori un régime légal de l'“état d'urgence sanitaire" (Chapitre Ier bis du titre III du Livre Ier de la troisième Partie du Code de la santé publique) est rendu possible jusqu'au “31 juillet 2022“. C'est au-delà des élections présidentielles et législatives, alors que par définition l'on ne sait pas à qui sera donné un tel pouvoir après l'élection présidentielle. Si nous parlons “a priori”, c'est parce que le Conseil constitutionnel est en train d'être saisi par de nombreux parlementaires sur le fondement d'une inconstitutionnalité manifeste de la loi .
114 de ces 122 députés appartiennent tous aux groupes “LREM” et “Modem” (voir le détail du scrutin, par partis et par député). Lors des séances publiques relatives à ce projet de loi, leurs bras se levaient comme mécaniquement, “contre” toute tentative d'amendement, d'où qu'elle vienne et quelle qu'elle soit. On aurait dit des machines à voter “contre”. Après des heures de votes “contre”, la présidence ne vérifiait même plus les voies tant l'absence de débat était flagrante.
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La plupart des groupe d'opposition vont déposer un recours devant le Conseil constitutionnel.
nous avons pu avoir accès à l'argumentaire déposé par plus de 60 députés des groupes
“La France insoumise”,
“Gauche démocrate et républicaine”,
“Socialistes et apparentés”
et “Libertés et Territoires” ont déposé :
Paris, le 5 novembre 2021 Recours au Conseil Constitutionnel sur le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l’honneur de vous déférer, en application du second alinéa de l’article 61 de la Constitution, l’ensemble du projet de loi “portant diverses dispositions de vigilance sanitaire” tel qu’adopté en lecture définitive le 5 novembre 2021 par l’Assemblée nationale. Les députées et députés, autrices et auteurs de la présente saisine, estiment que certaines dispositions de cette loi, en raison de leur caractère disproportionné, sont manifestement contraires à plusieurs droits et libertés que la Constitution garantit et notamment la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, le droit au respect de la vie privée garanti par cet article 2, ainsi que le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de cette déclaration. Sur l’ensemble du projet de loi, il vous appartient, conformément à votre jurisprudence de veiller à ce que les mesures envisagées par le législateur pour faire face à l’épidémie de la Covid-19, soient strictement adaptées, nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi. Sur l’ampleur des prorogations prévues aux articles 1er et 2 du texte déféré Alors que le législateur a déjà prorogé à plusieurs reprises le régime de l’état d’urgence sanitaire et de sortie de l’état d’urgence sanitaire, une prorogation de près de 9 mois est à la fois totalement inédite et manifestement disproportionnée. Depuis le mois de mars 2020, soit depuis 19 mois, la France vit sous un régime juridique d’exception qu’il s’agisse de l’état d’urgence sanitaire ou du régime de sortie de cet état d’urgence. Huit lois se sont succédées pour maintenir cette situation hors du commun, à raison d’une loi tous les 2 ou 3 mois et autant de débats parlementaires, de saisines et de décisions du Conseil constitutionnel1 . Au-delà de cette dimension quantitative, il convient de considérer la prorogation prévue par la loi présentement déférée au regard de la période toute particulière dans laquelle elle aura vocation à s’inscrire : celle d’élections nationales. En effet, la possibilité offerte par ce texte de mettre en œuvre le régime de l’état d’urgence sanitaire ou celui de sortie de l’état d’urgence sanitaire dans les 8 mois à venir pourra conduire à des mesures d’interdiction ou de restriction susceptibles d’avoir de lourdes conséquences sur la vie démocratique française puisque la
[1] Loi n°2020-290 du lundi 23 mars 2020 D’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, Loi n°2020-546 du lundi 11 mai 2020 Prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, Loi n°2020-856 du jeudi 9 juillet 2020 Organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire,
Loi n°2020- 1379 du samedi 14 novembre 2020 Autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire,
Loi n° 2021-160 du 15 février 2021 prorogeant l’état d’urgence sanitaire, Loi n°2021-689 du lundi 31 mai 2021 Relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire,
Loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, Loi n°2021-1172 du samedi 11 septembre 2021 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire dans les outre-mer.
période concernée couvre le temps des campagnes électorales de l’élection présidentielle et des élections législatives : réunions publiques, rassemblements sur la voie publique, opérations de porte à porte, distributions de tracts et documents de campagne, collages d’affiches, ce sont les conditions même de ces campagnes électorales qui seraient alors placées entre les mains du Gouvernement en place. Enfin et surtout, cette prorogation aurait lieu sans qu’un nouveau vote du Parlement ne soit prévu avant le mois de juillet 2022, sans que puisse être discutée au Parlement la nécessité des mesures prises sous l’empire de ces régimes juridiques d’exception. Sur le report de la date de caducité du régime d’Etat d’urgence sanitaire au 31 juillet 2022 (article 1er) Les auteurs et autrices de la présente saisine considèrent que la prorogation jusqu’au 31 juillet 2022 de la possibilité d’activer le régime d’état d’urgence sanitaire créé par la loi du 23 mars 2020 n’est ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée, en ce que ce régime d’exception au droit commun porte une atteinte indéniable aux libertés fondamentales constitutionnellement garanties sans pour autant constituer une réponse adéquate susceptible de mettre fin à l’épidémie et alors même que l’État a failli dans de nombreux aspects sur sa politique de santé publique. En vertu de l’article 7 de la loi du 23 mars 2020, le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, introduit dans le code de la santé publique par l’article 2 de cette même loi et sur le fondement duquel l’état d’urgence sanitaire a été déclaré et prolongé à déjà plusieurs reprises pour lutter contre l’épidémie de covid-19, au niveau national ou dans les territoires d’Outremer, n’était initialement applicable que jusqu'au 1er avril 2021. La loi du 15 février 2021 prorogeant l’état d’urgence sanitaire a reporté cette date de sortie de vigueur au 31 décembre 2021, avant qu’elle ne soit modifiée par le projet de loi qui vous est déféré. Votre Conseil s’est prononcé à plusieurs reprises sur ce régime d’état d’urgence sanitaire. Dans votre décision n°2020-800 DC du 11 mai 2020, vous avez considéré que « la Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence sanitaire. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, le droit au respect de la vie privée garanti par cet article 2, la liberté d'entreprendre qui découle de cet article 4, ainsi que le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de cette déclaration ». Vous l’avez de nouveau rappelé dans votre décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021. Si lors des premiers mois de la propagation de l’épidémie de Covid-19, la nouveauté de la situation et l’impréparation consécutive face à son caractère inédit ont pu justifier la possibilité pour le Premier ministre de prendre des mesures particulièrement attentatoires aux droits et libertés constitutionnellement garantis, la persistance de l’épidémie dans les mois puis l’année qui a suivi, connaissant quatre vagues successives, pose la question juridique délicate de la compatibilité entre notre système d’État de droit et le régime exorbitant du droit commun de
l’état d’urgence sanitaire, dont la clause de caducité est de nouveau prorogée. Les restrictions apportées aux libertés en cause sont suffisamment graves et durables pour qu’elles soient triplement justifiées par leur caractère adapté, nécessaire et proportionné. Si l’on pouvait tolérer le caractère adapté et nécessaire de certaines mesures prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire lors des premiers mois de l’épidémie, ce caractère adapté et nécessaire des mesures est aujourd’hui à remettre en cause, comme leur proportionnalité et leur cohérence. En effet, après dix-huit mois d’épidémie, la possibilité laissé à une autorité administrative de déclencher par voie réglementaire un régime exorbitant du droit commun puis d’instaurer des restrictions très graves à la liberté d’aller et venir (confinement généralisé, territorialisé ou non, couvre-feux) et la fermeture de commerces qualifiés de « non essentiels » sur des territoires souvent éprouvés dépasse ce que l’on peut admettre au regard de notre Etat de droit. Cet état d’urgence sanitaire est en effet régulièrement prolongé dans des territoires où l’Etat a failli à sa mission en matière de protection de la santé, au regard de l’indigence des moyens consacrés au service public hospitalier et à une politique vaccinale différenciée (notamment entre les territoires d’Outre-mer et ceux de la France hexagonale, tel que souligné par les différents avis du Conseil scientifique). La question de la proportionnalité renvoyant à celle des alternatives (le législateur pouvait-il faire d’autres choix de nature à porter une moindre atteinte aux libertés fondamentales ?), les restrictions aux libertés graves et durables permises par l’état d’urgence sanitaire ne sont pas justifiées au regard des différentes mesures sanitaires et sociales qui auraient pu être prises par les autorités publiques. En outre, et contrairement aux prorogations précédemment intervenues de l’Etat d’urgence sanitaire ou de sa clause de revoyure, et des recours portés auprès de votre Conseil, il convient de considérer cette prorogation au regard de la période toute particulière dans laquelle elle aura vocation à s’inscrire : celle d’élections nationales. La conservation du régime d'État d’urgence sanitaire, régime créé pendant ce quinquennat dans notre ordonnancement juridique, pendant une telle période est de fait inédite. Pour l’élection présidentielle, les deux tours du scrutin sont prévus les dimanches 10 et 24 avril 2022. Quant aux élections législatives, elles sont fixées le 12 et le 19 juin 2022. C'est le deuxième lundi précédant le premier tour, en l’occurrence le 28 mars 2022, que s’ouvrira la campagne officielle pour l’élection présidentielle. Ces deux rendezvous politiques capitaux se tiendront par conséquent alors même que l’autorité administrative détiendrait jusqu’au 31 juillet 2022 le pouvoir de porter par voie réglementaire atteinte aux droits et libertés les plus élémentaires. Votre Conseil a rappelé la nécessaire conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent notamment “la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789 [...] ainsi que le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de cette déclaration” (votre décision n°2020-800 DC du 11 mai 2020 citée plus haut). Les exigences constitutionnelles susmentionnées sont-elles compatibles avec l’organisation d’élections politiques et leurs campagnes électorales afférentes en 2022 pendant un tel régime d’exception ? Celles-ci pourront-elles se dérouler conformément auxdites exigences constitutionnelles dans une situation où le pouvoir exécutif a la possibilité d’édicter
par voie réglementaire dans certains territoires des restrictions très graves à la liberté d’aller et venir de nos concitoyens ? Soit le fait que nos concitoyens puissent voir leur participation limitée à ce rendez-vous politique capital qui les réunit une fois tous les cinq ans en étant privés d’activités politiques élémentaires (projections et réunions publiques ou non-publiques, porteà-porte, banquets, et événements de tous types), ces dernières étant empêchées en cas de confinement et de couvre-feu ? Le Gouvernement s’est trouvé incapable d’apporter des clarifications convaincantes. Le rejet à l’Assemblée nationale d’un amendement voté au Sénat, amendement qui avait reçu un avis défavorable du Gouvernement et du rapporteur du projet de loi à l’Assemblée, et dont l’objet était uniquement de préciser « Les lieux d’exercice de la démocratie sont exclus des lieux dont l’accès peut être interdit. »2 durant le régime d’état d’urgence sanitaire est inquiétant. Si votre Conseil s’est prononcé sur la définition des activités de “loisirs” s’agissant du déploiement du “passe sanitaire” en précisant que cette notion “exclut notamment une activité politique, syndicale ou cultuelle” (votre décision n° 2021-819 DC du 31 mai 2021), le Gouvernement n’a présenté aucune garantie écrite eu égard aux activités politiques en cas de déclenchement de l’état d’urgence sanitaire, de surcroît en période électorale, quand bien même un tel déclenchement devrait être à notre sens prohibé. En outre, aucun encadrement précis n’est prévu par la loi. Le rapporteur du projet de loi n’a d’ailleurs développé aucun argument pour justifier la suppression lors de l’examen en commission des lois en nouvelle lecture de l’amendement sénatorial susmentionné. L’article proposé par les sénateurs était à son sens “largement satisfait par le cadre de notre État de droit”. 3 Enfin, il apparaît que le régime dit “de sortie” résultant de la loi du 9 juillet 2020 et prolongée par le projet de loi contesté permet déjà à l’exécutif de prendre des mesures très contraignantes tout en minimisant par rapport à l’état d’urgence sanitaire les atteintes portées aux droits et libertés constitutionnellement protégés. Ce régime, que les auteurs et autrices de la présente saisine contestent également, permet au demeurant de prendre des dispositions plus appropriées eu égard aux circonstances de temps et de lieu, tout comme le permettent de nombreuses dispositions du droit commun injustement écartées par l’exécutif, plutôt que les interdictions générales et absolues rendues possible dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire qui ne font que dégrader un peu plus notre Etat de droit et banaliser l’exception. L’article 1er est par conséquent entaché d’inconstitutionnalité et appelle votre censure. Sur la prorogation du régime de sortie de l'État d’urgence sanitaire (article 2) A la différence du régime de l’état d’urgence sanitaire qui nécessite un vote du Parlement au-delà d’un mois de mise en œuvre, ce régime présenté comme « intermédiaire » permet au Gouvernement de prendre des mesures restrictives des libertés à tout moment, sur tout ou partie du territoire national, pour n’importe quelle durée et s’il ne s’agit pas d’un état d’urgence sanitaire à proprement parlé, il s’agit néanmoins d’un état d’exception emportant de très
2 http://www.senat.fr/amendements/2021-2022/110/Amdt_29.html
3https://www.assembleenationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b4627_rapportfond#_Toc256000005
sérieuses atteintes aux libertés et droits fondamentaux, un régime d’exception qui s’inscrit donc dans une durée qui tend à devenir permanente.
Ce régime permet en effet au Premier ministre de prendre, par décret, des mesures de limitation ou d’interdiction de circulation des personnes et des véhicules, d’interdiction ou de restriction des déplacements des personnes et de la circulation des moyens de transports. Peuvent également être prises des mesures de réglementation de l’accès à « une ou plusieurs catégories de lieux recevant du public ainsi que des lieux de réunion », pouvant aller jusqu’à « la fermeture provisoire ». « Les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public » peuvent également faire l’objet d’une réglementation spécifique. Enfin, ce régime juridique permet au Premier ministre de maintenir le dispositif du passe sanitaire pour certains déplacements ainsi que pour l’accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées notamment des activités de loisirs, de restauration commerciale ou de débit de boisson, les foires, séminaires et salons professionnels.
Alors que la voie du passe sanitaire a pu vous paraître justifiée et proportionnée au regard de l’objectif poursuivi, un tel instrument, compte tenu des conséquences sociales et économiques qu’il entraîne, ne peut qu’avoir une durée limitée. Tel est le sens de l’avis rendu le 5 octobre par le Conseil scientifique4 . En outre, cette prorogation doit être appréciée à l’aune de la fin de la gratuité des tests de dépistage5 ainsi qu’à celle, encore incertaine, d’une possible troisième dose qui pourrait venir conditionner l’octroi d’un passe sanitaire. La prorogation d’un tel dispositif doit également être appréciée eu égard à son champ d’application rationne personae et singulièrement en considération de son application aux mineurs de plus de 12 ans depuis le 30 septembre 2021. La durée de prorogation doit en effet être envisagée à l’aune des
4 Selon le Conseil scientifique dans son avis du 5 octobre 2021 « Bien que l’utilisation du passe sanitaire soit globalement acceptée, le Conseil scientifique qui a proposé et soutenu sa mise en place tient à rappeler que le passe doit rester un outil temporaire et proportionné. La gestion de la poursuite ou de la suspension du passe sanitaire dans un tel contexte d’amélioration sur le plan sanitaire est un véritable enjeu sanitaire, mais aussi sociétal, et auquel nos voisins européens répondent de façon différenciée. ».
https://solidaritessante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_conseil_scientifique_5_octobre_2021.pdf 5
A cet égard, la Défenseure des droits a pu s’inquiéter « du choix de l’exécutif d’instaurer par arrêté le déremboursement des tests de dépistage de la Covid-19, réduisant dans les faits la possibilité de présenter un passe sanitaire soit à un schéma vaccinal complet, soit à un certificat médical de contre-indication à la vaccination, soit à un certificat médical de rétablissement, alors que la loi prévoyait la possibilité de présenter le résultat d’un test de dépistage négatif qui était remboursé par la sécurité sociale à la date où le législateur s’est prononcé.
Cette décision modifie profondément l’équilibre sur lequel reposait le dispositif prévu par la loi et pourrait s’apparenter à une obligation vaccinale déguisée.
»https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2021/10/la-defenseuredes-droits-preoccupee-par-limpact-sur-les-droits-du
conséquences qu’elle pourrait avoir en termes de développement des enfants6 qui se trouvent concernés et qui, au demeurant, subissent les décisions de leurs représentants légaux.
Le législateur a, bien entendu, édicté certaines garanties, notamment en prévoyant que les mesures ainsi prises doivent être « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu », en précisant qu’« il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires » et en rappelant qu’elles peuvent faire l’objet de recours devant le juge administratif. Néanmoins et en dépit de ces garanties, des mesures attentatoires aux libertés et droits fondamentaux pourront être prises tout au long de la période de prorogation et l’appréciation de leur bien fondé au regard de la situation sanitaire ne pourra être discutée et contestée devant le juge administratif qu’a posteriori. Ces garanties n’empêcheraient donc nullement l’entrée en vigueur et l’application de mesures portant une atteinte disproportionnée aux droits et libertés garantis par la Constitution puisqu’une prorogation aussi longue nous priverait mécaniquement de la sécurité juridique propre au contrôle de constitutionnalité a priori.
Si l’on peut concevoir la commodité d’un tel régime au regard des procédures de prise des décisions et la rapidité des réactions publiques qu’elles permettent, cet avantage ne doit pas occulter les exigences propres aux démocraties dans lesquelles de telles mesures restrictives de liberté doivent donner lieu à des débats tenus périodiquement dans le cadre des institutions appropriées.
S’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel « de remettre en cause l'appréciation par le législateur » relative au risque de reprise de l’épidémie, force est de reconnaître que cette appréciation porte ici sur un horizon temporel si lointain qu’il n’est pas possible de déterminer si elle est ou non manifestement adéquate en l’état actuel des connaissances et au regard de la situation présente de l'ensemble du territoire français (décision n°2020-808 DC du 13 novembre 2020). Or, il résulte des débats parlementaires7 que la raison principale des délais ainsi fixés tient à la coutume d’une suspension des activités parlementaires plusieurs mois avant l’élection
6 https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2021/07/extension-du-passe-sanitaireles-10-points-dalerte-de-la-defenseure-des
7 Extrait de l'intervention d'Olivier Véran lors de l'examen du Projet de loi de vigilance sanitaire en 1ère lecture en Commission des lois (15 octobre à 9h30) :"Le projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire qui vous est soumis propose la date unique du 31 juillet 2022 pour différentes mesures. Il sera possible jusque-là d’activer le passe sanitaire, de déclencher l’état d’urgence sanitaire si la situation sanitaire l’exigeait vraiment, enfin, de poursuivre l’application de différentes mesures transitoires relatives notamment aux jauges et aux masques. Des parlementaires, de moins en moins nombreux, restent opposés à certains des outils que nous utilisons contre le virus. D’autres jugent la date du 31 juillet 2022 trop lointaine et estiment que le Parlement ne peut pas se dessaisir au profit du Gouvernement pendant environ huit mois et demi. Or les parlementaires ont déjà eu l’occasion de voter un dispositif offrant la possibilité au Gouvernement d’activer des mesures exceptionnelles pendant dix mois et une autre fois pendant dix mois et demi. La demande ne porte donc pas sur une période plus longue. Il ne vous aura en outre pas échappé que nous sommes à la veille d’une période électorale et que le Parlement ne sera pas amené à se réunir au-delà du mois de février. Il est donc
présidentielle. Ici encore, si commode qu’ait pu apparaître cette solution d’une prorogation de plus de 8 mois de ce régime d’exception, cela ne saurait en aucun cas suffire à justifier les risques d’atteintes aux libertés, l’absence d’un débat parlementaire et l’impossibilité corrélative pour les parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel. La période électorale justifie, au contraire, un surcroît de garanties afin que chaque restriction, chaque interdiction puisse faire l’objet d’un débat, respectant le pluralisme, permettant d’évaluer sa nécessité et son impact démocratique, pour ne conserver, sous votre contrôle, que les limitations qui se justifient indiscutablement.
Sur l’article 4 ter
Si le contrôle du respect de l’obligation vaccinale au regard des onze vaccins obligatoires prévus par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 est aujourd’hui une condition de l’inscription des élèves dans les établissements scolaires, le dispositif de l’article 4 ter étend ce contrôle à la vaccination contre la Covid-19 qui n’est, elle, pas obligatoire. Il s’agit d’une atteinte disproportionnée au secret médical et ainsi au droit constitutionnellement garanti au respect de la vie privée.
Le Gouvernement a motivé cette disposition par la nécessité d’assurer la continuité pédagogique, notion dont nous pouvons partager l’objectif mais qui est sans fondement légal ou jurisprudentiel. Quand bien même celle-ci découlerait de la notion de continuité du service public, principe à valeur constitutionnelle, il appartiendrait au législateur d’assurer la proportionnalité entre l’objectif ainsi poursuivi et l’atteinte au droit au respect de la vie privée.
Or, dans votre récente décision n°2021‑ 917 QPC du 11 juin 2021, vous avez rappelé que le respect de ce droit « requiert que soit observée une particulière vigilance dans la communication des données à caractère personnel de nature médicale. ». A ce titre, vous avez déclaré inconstitutionnelle la disposition déférée dans cette affaire car portant une atteinte disproportionnée à ce droit bien que l’objectif poursuivi, de bon usage du denier public, soit de valeur constitutionnelle.
Nous estimons que le caractère non-obligatoire de la vaccination contre la Covid-19 ne permet pas, indépendamment des objectifs poursuivis, de justifier les atteintes portées au secret médical, d’autant que la rédaction de l’article contesté, dérogatoire à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, ne permet pas d’opposer ce secret au chef d’établissement scolaire.
----- Par ces motifs et tous autres à déduire ou suppléer même d’office, les auteurs de la saisine vous demandent de bien vouloir invalider les dispositions ainsi entachées d’inconstitutionnalité. Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, en l’expression de notre haute considération.
impensable que le Gouvernement ne puisse, en cas de conditions extrêmes, mettre en place des mesures utiles pour protéger les Français alors que nous serons encore en hiver."