Le long règne d’Evo Morales a définitivement pris fin lundi après-midi en pleine jungle, sur la piste de l’aéroport de Chimoré, une ville modeste de 20 000 habitants. Et loin des caméras. Un avion militaire mexicain est venu le chercher après sa démission exigée par l’armée, dimanche. Le président au long cours (treize ans et neuf mois de mandat ininterrompu) s’était retranché dans son fief du Chaparé, la province où il avait commencé son activité syndicale, en défense des cocaleros (cultivateurs de coca). Le gouvernement de gauche de Andrés Manuel López Obrador l’a accueilli à Mexico, ainsi qu’une vingtaine de ses proches.

Sans président ni gouvernement, la Bolivie est plongée dans l’inconnu après le séisme provoqué par l’élection présidentielle du 20 octobre, dont le résultat officiel (victoire de Morales dès le premier tour) était entaché de fraude selon l’opposition et des observateurs internationaux. La figure de proue des trois semaines de protestations violentes qui ont suivi n’a pas été Carlos Mesa, le candidat de droite battu, mais un nouveau venu. La BBC le qualifie de «Bolsonaro bolivien», et ses partisans l’appellent «Macho Camacho», surnom que portait déjà un champion de boxe portoricain dans les années 80.

 

Luis Fernando Camacho, 40 ans, est un représentant du patronat de Santa Cruz, la capitale économique du pays. Cette ville à majorité blanche n’a jamais accepté l’arrivée au pouvoir d’un président indigène, et s’est illustrée par son opposition farouche à Evo Morales et au MAS, son parti. L’une de ses revendications a été l’accession de la région à l’indépendance.

Mercredi dernier, Camacho est entré en triomphateur à La Paz, la capitale jusqu’alors fidèle à Morales. Revêtu d’un gilet pare-balles, un drapeau dans une main et un chapelet dans l’autre, il a harangué la foule avec véhémence. Ce théocrate furieux se fixe pour objectif de «faire revenir la Bible au palais présidentiel», ce qui augure mal de la prochaine élection, dont la date n’est pas fixée. Sa brusque popularité peut faire de lui un candidat capable de l’emporter, même s’il affirme toujours ne pas vouloir entrer en politique.

François-Xavier Gomez