NAUFRAGE DES MIGRANTS AU LARGE DE CALAIS : les passeurs ne sont pas les seuls responsables

Naufrage des migrants : pour François Guennoc, les passeurs ne sont pas les seuls responsables

Le président de l’Auberge de migrants, association depuis longtemps active sur le littoral, lui aussi bouleversé par ce drame, appelle une nouvelle fois les autorités à assumer leurs responsabilités.

« Très touché... » Et François Guennoc n’est pas un démonstratif. D’ailleurs, il masque également ce qu’on sent poindre derrière cette émotion exprimée d’emblée : une colère qui vient de loin. De toutes ces années depuis lesquelles il oeuvre à aider les exilés qui passent par ce littoral qu’il habite. Il est aujourd’hui président de l’Auberge des migrants, l’une des associations très actives sur place, et il a ce constat un peu désespérant : « Hélas, cela devait arriver. »

Il parle d’abord « des embarcations de plus en plus grandes, pour trente, quarante, cinquante personnes », de la constance des tentatives de passer, « alors que d’habitude, à l’arrivée de l’hiver, ça se calme », puis de ces maints appels lancés par tous les bénévoles du littoral.

Toujours plus de moyens

À l’heure où Gérald Darmanin s’exprimait face aux médias, devant l’hôpital de Calais, François Guennoc soufflait  : « Oh, je sais ce qu’il va dire : il va accuser les passeurs ! » Bingo !

Mais n’accuser que les passeurs, pour lui, c’est fuir ses responsabilités  : « La vraie responsabilité est partagée entre les autorités françaises, qui bloquent la frontière et obligent les exilés à risquer leur vie pour passer, et les autorités britanniques, qui ont supprimé les voies légales et la possibilité de rapprochement familial. »

« Il faut que la France sorte des accords du Touquet, que la Grande-Bretagne ouvre des possibilités d’accès légales à son territoire et que l’Union européenne mette en place une véritable politique d’accueil. »

Et comme souvent, comme beaucoup, il dénonce les murs, les grillages, les détecteurs de battement de coeur, et globalement la course à toujours plus de moyens pour traquer les exilés. « Bien sûr, il faut lutter contre les passeurs, dit-il. Mais on sait ici que lorsqu’un réseau de passeurs tombe, ce qui arrive parfois, un autre prend sa place. Les vrais chefs ne sont pas ici, mais à Bruxelles à Londres, à Kaboul... »

Alors, il demande une réaction, enfin, de la société civile  : « Il faut que la France sorte des accords du Touquet, que la Grande-Bretagne ouvre des possibilités d’accès légales à son territoire et que l’Union européenne mette en place une véritable politique d’accueil. » Et envoie une petite pique au passage à « ceux qui attisent les peurs et la colère à propos des réfugiés ».

Une prise en charge

Pour l’heure, les bénévoles ont une autre préoccupation : l’identification et la prise ne charge des victimes. « Il existe un "groupe décès" au sein de l’inter-associations, qui s’occupe de prendre contact avec les familles, d’organiser le rapatriement des corps, ou l’inhumation. mais ici, comment vont-ils faire, avec vingt-sept morts ? On peut rêver que les autorités fassent un effort, mais même pour elles, ce sera très délicat. »

Et François Guennoc rappelle que très récemment, encore, ce « groupe décès » s’est occupé des obsèques de trois jeunes gens en quelques semaines, tous enterrés dans le carré musulman du cimetière de Calais-nord.

Drame : 20 personnes exilées meurent au large de Calais

24 novembre 2021

Nouveau drame, une vingtaine de corps viennent d’être retrouvés flottant en mer au large de Calais. « Vers 14 heures, un pêcheur a signalé la découverte d’une quinzaine de corps flottant au large de Calais. Un bâtiment de la Marine nationale a repêché plusieurs corps, dont cinq personnes décédées et cinq inconscientes, selon un bilan provisoire », avait d’abord précisé le ministère de l’Intérieur, en précisant que Gérald Darmanin se rendait sur place. Un nouveau bilan macabre porterait le nombre à 27 morts à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Le parquet de Dunkerque a annoncé à l’AFP l’ouverture d’une enquête pour « aide à l’entrée au séjour irrégulier en bande organisée » et « homicide involontaire aggravé ». Selon la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, trois hélicoptères et trois bateaux participent aux recherches.

Pour rappel, Anaïs et Ludovic, deux militants associatifs, ont réalisé un grève de la faim de plus de 37 jours pour dénoncer la situation des personnes exilées à Calais. L’insoumission était en direct ce dimanche 21 novembre 2021 à Paris avec Anaïs et Ludovic, la ligue des droits de l’homme, Amnesty International, Médecins du monde et Médecins sans frontières, à la manifestation en soutien aux personnes exilées.

Il est urgent d’accueillir enfin dignement ces hommes, ces femmes et ces enfants qui meurent en mer et dans nos montagnes, et de riposter à l’heure où l’extrême-droite propose de laisse mourir de froid les migrants ou même de leur tirer dessus. Face à l’inhumanité en marche, plus que jamais la fraternité républicaine et la solidarité ne devraient pas être un délit mais un devoir.